"Cependant, l'âme ne ressemble pas à la terre labourée;
l'âme, elle a besoin d'orage, de feu, de vertige.
Le corps a le temps, il avance lentement, prudemment,
pas à pas, sujet aux lois de la pesanteur;
l'âme, elle, nie le temps et bouscule les lois,
elle veut courir, foncer de l'avant et tant pis si cela fait mal,
tant pis si cela provoque l'ivresse, voire la folie;
ce n'est qu'ainsi qu'elle sélève jusqu'à Dieu.
Tu rencontreras sur ta route des gens qui s'accrochent à la raison,
mais la raison chemine en tâtonnant,
à l 'aide de la canne blanche de l'aveugle,
butant à chaque pierre et quand elle se retrouve face à un mur,
elle s'arrête et s'évertue à le démolir brique par brique,
sans jamais y arriver tout à fait, car une main invisible le reconstruit
et y ajoute de la hauteur, de l'épaisseur"
Elie Wiesel
les portes de la forêt, 1964